"Mitu noort kunstnikku"

ILYA KABAKOV, de taille moyenne, tête bouclée, regard perçant et intelligent, vit et travaille dans une sorte de souterrain au milieu d'un désordre indescriptible. Ses tableaux-reliefs sont de grandes surfaces blanches émaillées, où s'insère unetête immense exprimant un sarcasme dadaiste. A première vue, du pop'art, mais profondément original et, avant tout, russe. Des dessins nous donnent la clé de ces tableaux. Ils enregistrent la réaction de Kabakov face à la réalité quoti-dienne. Son talent d'illustrateur (les maisons d'édition font souvent appel à lui) y apparait dans sa forme essentielle. Des observations anecdotiques crues alternent avec des comparaisons métaphoriques, l'humour noir voisine avec le fantastique. Ce peintre de trente-trois ans aborde un problème d'une grande actualité, lié aux symboles plastiques qui influencent l'homme dans sa vie sociale. A la Biennale de Venise, en 1966, un grand nombre d'œuvres posaient les mêmes questions. Il est regrettable que Kabakov n'y ait pas participé.

ULO SOSTER, quarante-deux ans, originaire d'Es-tonie, travaille avec Kabakov dans sa « cave ». Ses toiles sont tributaires du surréalisme, mais ses dessins, de même que ceux de Kabakov, relatent un journal riche et original. Parmi des structures abstraites, on déchiffre des dessins figuratifs, des parodies pleines d'ironie, des allégories de la réalité quotidienne. Ce journal n'entend pas présenter des œuvres achevées, mais communiquer des observations, des idées. «L'art, c'est l'introduction de la géométrie psychique dans le monde du chaos de l'inéluctable... », dit Soster.

ERIK BOULATOV, trente-trois ans, est très peu connu du public. De l'abstraction des formes, il aboutit à une géométrie sévère d'images noires et blanches, dans lesquelles le négatif et le positif des diagonales est le seul thème.

MIKHAIL GROBMAN, peintre et poète de vingt sept ans, est un symboliste fantastique. Il est mince, fragile, sensible, ses yeux rêveurs pétillent d'intelligence. Dans sa petite chambre, les livres et les tableaux cachent les murs. Il possède une belle et curieuse collection d'icônes du XIX' siècle. Sur les murs sont accrochés des tableaux de ses amis et ses propres toiles. Celles-ci nous rappellent le monde des métaphores et des métamorphoses contenu dans les images de Chagall - le folklore juif et russe est évidemment la source commune d'inspiration. Il puise dans cette même veine la naïveté de ses moyens d'expression.

BORIS SVECHNIKOV nous rappelle les réalistes fantastiques viennois. Ce peintre de trente-huit ans, taciturne et plongé dans son monde intérieur, a dessiné dans les années cinquante des œuvres où les reflets des scènes apocalyptiques des maîtres flamands se mêlent à la transcription de moments vécus, moments identiques à ceux qui ont inspiré Soljénitsyne pour Une journée d'Ivan Denissovitch. Ces dernières années, des scènes de la vie quotidienne, perçues sous une vive lumière, se mêlent à des visions nées de l'imagination.

VLADIMIR JAKOVLEV, trente-cinq ans, est surement l'un des plus talentueux artistes parmi les jeunes Moscovites. Son œuvre, très étendue et éparpillée, est d'inégale valeur. De la fin des années cinquante, nous connaissons de lui des visions impressionnistes, de pures abstractions lyriques, des figures expressivement déformées dont la structure rappelle Klee, mais aussi des natures mortes gauches et sentimentales. Une vie tragique, un peu comme celle de Van Gogh, a empêché jusqu'alors Jakovlev de se concen-trer, afin que son remarquable talent puisse mürir et son instinct se développer.

EDOUARD CHTEINBERG, vingt-neuf ans, est un peintre spontané, qui a trouvé récemment sa propre voie. Il peint des toiles subtiles, des paysages d'une blancheur infinie où apparaissent les signes de la réalité.

BORIS VEISBERG, qui a quarante-deux ans, peint, lui aussi, des toiles blanches, mais le blanc, pour lui, n'est que le résultat d'une différenciation des valeurs. Dans ses œuvres, qui sont pour la plupart des natures mortes où les choses se dématérialisent, il cherche une harmonie entre la pureté cristalline du monde de Seurat et le blanc absolu de Malevitch.

ANATOL ZVEREV, trente-trois ans, est un peintre que je n'ai pas eu l'occasion de rencontrer mais...